L'équilibre nutritionnel en restauration collective
- paulinebrocard
- 25 mars 2023
- 6 min de lecture
Restauration collective, quézako ?

La restauration collective est définie comme « une restauration hors foyer caractérisée par la distribution de repas à une collectivité de consommateurs réguliers, liés par accord ou par contrat » .
De nos jours, en France, 40 % des adultes et 75 % des enfants et adolescents fréquentent les restaurants d’entreprise et les restaurants scolaires au moins une fois par semaine. Après les repas pris au domicile, la restauration collective est donc celle qui contribue, en moyenne, le plus aux consommations alimentaires et apports nutritionnels des individus. Il est alors primordial d’appréhender ce milieu à travers une expérience sur le terrain afin de comprendre les deux principaux défis à relever : la nutrition et l’hygiène. En effet, l’alimentation pour les collectivités est un enjeu majeur qui se doit d’être irréprochable en termes d’innocuité : l’Union Européenne a mis en place différents mesures à respecter qu’elle a compilé dans le « Paquet Hygiène », afin d’éviter le principal danger dans ce milieu : les Toxi-Infections Alimentaires Collectives (TIAC). Celui-ci est composé de plusieurs règlements (CE 178/2002, CE 853/2004 et CE 2073/2005) qui mettent tous en avant l’importance capitale que représente l’hygiène en restauration collective.
Les deux stages que j’ai effectués, d’une durée de trois semaines chacun, ont été l’occasion de découvrir puis d’approfondir les rôles du diététicien dans un tel environnement. J’ai eu le privilège d’aborder deux modes de production (liaison froide et chaude) et deux consommateurs différents : les adultes, en CHU, et les séniors, en EPAHD. Cet écrit est l’objet du constat de ces différences, des analyses et des actions que j’ai eu l’opportunité de réaliser respectivement au sein de ces deux structures.
Présentation des structures

Le Chicas de Gap, en plus de servir les patients dans la structure, offre un service de livraison pour l’UGECAM pour une patientèle en situation d’handicap, de perte d’autonomie ou de rééducation. Ce service implique un stockage des préparations, du moment de leur élaboration jusqu’à la livraison. La direction à fait le choix d’employer la méthode de conservation par le froid(0-3°C) : on parle de liaison froide. En effet, les préparations chaudes qui seront cuites à +63°C à cœur seront ensuite refroidies à +10°C en moins de deux heures. Leur remise en température à +63°C, devant être réalisée en moins d’une heure, est sous la responsabilité des aides-soignants une fois arrivé à destination. L’EPAHD, n’ayant pas les mêmes problématiques, maintiendra à +63°C ses préparations chaudes jusqu’en fin de service.
La dénutrition : le fléau des restaurations collectives
Les similitudes constatées entre les deux structures résident dans le fait qu’elles sont toutes les deux sujettes à une problématique majeure : la dénutrition. En effet, elle toucherait entre 30 et 50% des patients hospitalisés et personnes

âgées en institution. Cela se répercute sur le choix des menus en privilégiant des protéines animales et des fromages riches en calcium par exemple. Cependant, l’Hôpital se différencie par la présence de diététiciennes sur place, qui opèrent un suivi plus rigoureux et individuel des repas
L'hygiène, l'importance d'un respect rigoureux de la déontologie
De manière générale, on constate une nette différence entre les deux structures. Le personnel est mieux formé et plus conscient des risques qui peuvent apparaître en restauration collective dans l’hôpital, tandis que les cuisiniers de l’EPADH ne sont pas assez méticuleux sur toutes

les règles d’hygiène. Si le personnel ne joue pas entièrement son rôle dans la prévention de l’apparition des TIAC, le manque de personnel est également un facteur. En effet, le manque d’agents dans les cuisines de l’EPADH oblige les cuisiniers à travailler à une cadence qui peut rapidement avoir des conséquences notables sur l’application des règles d’hygiène.
On pourrait donc proposer plusieurs actions afin d’améliorer l’hygiène des cuisines de l’EHPAD:
la formation du personnel aux règles d’hygiène et affichage des protocoles de nettoyage
un investissement dans du matériel adapté à leurs besoins-plus difficile à réaliser mais néanmoins envisageable sur le long-terme afin de permettre une meilleure facilité dans l’application des règles d’hygiène :recruter du personnel pour alléger la charge de travail.
A l’hôpital, la présence de diététiciennes implique davantage son équipe de cuisine dans ses démarches d’hygiène tandis que l’EHPAD, sans spécialiste sur place en la matière, peine à mettre cet aspect au premier plan de ses objectifs.
La nutrition en restauration collective
Pour observer l’aspect qualitatif de l’EHPAD « Jean Martin », on étudie quatre semaines de menus complets du 3 au 30 Mai (annexe 1) pour savoir si ces menus sont compatibles avec le tableau de fréquence du GEMRCN (Groupement d’Etudes de Marché en Restauration Collective et Nutrition) adapté aux personnes âgées.
On remarque d’après les résultats donnés en annexe que certaines fréquences ne sont pas respectées. On peut justifier cela par plusieurs observations :
Les laitages ne figurent pas sur les menus mais sont proposés au moment du dessert comme alternative au fromage selon les préférences des patients
La viande, très appréciée par les résidents, est privilégiée au détriment du poisson lors de l’élaboration des menus. Par ailleurs les cuisiniers ont fait le choix d’alterner entre plats protidiques (saucisses, boudins...) et préparations protidiques (hachis parmentier) pour leur tendreté et leur facilité de préparation (portionnables) pour les cuisiniers qui sont en sous-effectif.
Bien que les fréquences concernant les légumes soient respectées sur les menus, le chef réduit leur quantité car ils sont peu appréciés des résidents qui se plaignent ensuite de constipation.
Malgré la volonté de proposer des menus conformes aux exigences du GEMRCN, celles des patients sont également traitées avec sérieux : en effet, pour la plupart d’entre eux, le goût est un de leurs seules plaisirs ; par conséquent, au lieu de proposer des plats que les patients ne mangeront, l’équipe de cuisine s’est concertée pour mettre en place plus de plats « plaisirs » et ainsi amener les patients à manger de meilleures portions.

Néanmoins, cette démarche ne permet pas efficacement de combattre les carences
nutritionnelles, pouvant aller jusqu’au stade de dénutrition, de cette population sensible.
On peut alors proposer, au regard des résultats obtenus de:
Favoriser la consommation de poisson en réalisant des plats à base de poisson comme la brandade, coquillette de poisson voir des fritures qui en plus d’augmenter l’appétence des plats, sont faciles à enrichir pour prévenir de la dénutrition.
Augmenter les fibres dans les plats, en privilégiant les aliments riches en fibres insolubles. Après avoir réalisé un audit «se libérer de la constipation»; j’ai remis un livret à destination des cuisinier et aides-soignants.
Pour analyser l’aspect quantitatif des repas sur une journée du CHICAS, j’ai comparé les différents apports de ces derniers aux besoins de sa population. L’âge des patients étant très variable on peut établir une moyenne autour de 18-59 ans.
Par rapport à ces résultats, on cherche à augmenter l’apport calcique de la ration et l’apport énergétique du déjeuner. J’ai proposé une correction de menus .
Le midi, on remarque que le déjeuner ne couvre pas les apports recommandés. Pour mieux équilibrer, on peut ajouter des pommes de terre dans la purée.
Les rôles du diététicien-nutritionniste

Le diététicien nutritionniste détient une place capitale dans la gestion d’une activité de restauration collective. En effet, j’ai pu mieux comprendre les tâches qu’il lui incombe. La finalité de sa mission étant de satisfaire, tant sur un plan nutritionnel, gustatif, hygiénique et organisationnel, il intervient :
dans l’élaboration de menus adaptés aux personnes servies
dans des actions de sensibilisation, des enquêtes alimentaires auprès du public concerné
des audits d’hygiène, de satisfaction
dans l’organisation des équipes de cuisine...
Parmi ces différentes missions, celles que j’ai pu réaliser ont été : -la participation à la planification des repas en prenant compte du budget alloué et des produits disponibles (confection de 5 semaines de menus en EPHAD) - la participation à l’élaboration des repas et à leur service (aide en cuisine et au service à l’EHPAD ainsi qu’à domicile) - des audits d’hygiène partiels au niveau des validités du PMS, de l’application des règles d’hygiène par le personnel et de la traçabilité (présence des plats témoins, relevés de températures des cellules et des chambres, conformité des relevés de surface...)
- la participation à l’organisation du personnel par rapport aux nombres de couverts prévus.
Ces deux stages furent l’occasion de découvrir avec plus de profondeur la réalité des missions du (de la) diététicien(e) nutritionniste en restauration collective.
Ces expériences sont enrichissantes, de par la diversité structurelle, budgétaire et organisationnelle qu’offrent ces deux établissements. Les missions auxquelles j’ai pu contribuer au travers de ces stages m’ont permis de réaliser l’importance de la profession dans ce milieu particulièrement sensible. En effet, les dérives potentielles en matière de non-respect des règles d’hygiène ou d’une mauvaise élaboration des menus par exemple, peuvent conduire à favoriser l’apparition ou l’aggravation de pathologies : soit par contamination (TIAC), soit par déséquilibre
nutritionnel (favorisation de l’obésité ou à l’inverse, d’une perte significative de poids), soit également par laxisme sur les contrôles des allergènes par exemple (déclenchement de réaction allergique, intolérance...).
Aujourd’hui, la polyvalence des tâches pouvant être réalisée dans le milieu du travail étant un atout de plus en plus recherché, ces stages jouent donc un rôle essentiel dans l’acquisition de cette caractéristique. En effet, quelle que soit notre future profession, il est intéressant de pouvoir se faire une idée de chaque secteur dans lequel nous pouvons exercer et d’afficher une certaine expérience au sein de celui-ci. Ces deux stages participent donc, à l’instar des autres stages réalisés au cours de la formation, à l’obtention d’une pluridisciplinarité très bénéfique pour notre future carrière.
Pour plus détails sur mes actions au sein de la restauration collective, vous pouvez consulter la partie de mon mémoire associée ci-dessous :
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